Il contribue au développement des territoires de montagne par ses apports environnementaux, sociaux et économiques. Cela participe au développement local et durable du territoire isérois.
Une activité contrainte aujourd’hui au multi—usage par le développement de nombreuses activités récréatives. Un partage de l’espace inévitable. Il peut en résulter des conflits installés sur les territoires pastoraux. Ils sont devenus des éléments perturbateurs et au bon déroulement du pastoralisme pendant la saison estivale, période la plus importante pour les troupeaux présents en alpages.
C’est dans ce contexte que la Fédération des Alpages de l’Isère (FAI) a mené une enquête sur la problématique du multi-usage. En 2019 une pluralité d’acteurs (utilisateurs de la montagne, professionnels du tourisme, éleveurs et bergers) pouvant contribuer par une intervention directe ou induite à la valorisation et de fait à la sensibilisation au pastoralisme a été consultée. Il s’agit en réalité d’une mise en évidence des activités pastorales pour ainsi susciter la curiosité des utilisateurs de la montagne iséroise afin de faire passer des messages de connaissance et de sécurité dans un but de diminuer les conflits qui peuvent exister et parfois entrainer des situations d’accidents.
La multiplicité des acteurs interrogés entraine inévitablement des divergences dans les perceptions, les expériences vécues, les enjeux et les intentions. L’objectif est de rassembler l’ensemble de ces données en vue d’une valorisation efficiente du pastoralisme pour une cohabitation durable de l’ensemble des utilisateurs en montagne.
La montagne est un espace convoité où la fréquentation ne cesse d’augmenter. D’après Isère tourisme, en 2018 on recense une fréquentation en hausse de 4% par rapport à la moyenne des quatre dernières années (en hébergement marchand). L’Isère compte plus de 8,8 millions de nuitées totales durant la saison estivale. Il s’agit là de touristes, c’est-à-dire de personnes qui effectuent un voyage ou un séjour. Or, il y a la nécessité de prendre également en compte les locaux c’est-à-dire les personnes résidents à proximité ou au sein des massifs montagneux isérois. Dans ce cadre, on parle d’utilisateurs afin de prendre en compte l’ensemble de la population. On observe donc de très nombreux utilisateurs des massifs isérois.
D’après l’enquête réalisée par la FAI, les particularités des utilisateurs récréatifs en Isère sont des sportifs, à plus de 90%, ils pratiquent essentiellement de la randonnée et du VTT sur les massifs de Belledonne et du Vercors. Ils sont également dans la tranche d’âge actifs entre 24/49 ans. Des utilisateurs en montagne réguliers puisque 40% d’entre eux affirment y aller plus d’une fois par mois. Ils se retrouvent donc souvent à parcourir les alpages c’est-à-dire les pâturages du massif alpin utilisés par les troupeaux. En Isère, cela correspond à 67 000 hectares, 10% sont occupés par les troupeaux, cela représente plus de 110 000 bêtes et 700 travailleurs, bergers et éleveurs.
Il est important de préciser que d’après les utilisateurs enquêtés, 60% n’ont jamais rencontré de problème avec les activités pastorales. Néanmoins, c’est le cas pour 40% d’entre eux. Parmi ceux-ci soient des sportifs, plus de 50% déclarent avoir eu des soucis avec les chiens de protection (« le patou », chien imposant souvent chien de montagne de Pyrénées mais également d’autres races tels que l’Anatolie…). Ce taux monte à 70% pour les vététistes. Cette information est renforcée par de nombreux professionnels du tourisme interrogés (hébergeurs, restaurateurs, offices de tourisme, moniteurs de loisirs). Les remarques amorcées par leur client lors d’une rencontre ou de la découverte du pastoralisme sont en majorité négatives (62%) très souvent liées à la peur du chien de protection. Quant aux éleveurs, ils perçoivent souvent la présence d’utilisateurs récréatifs comme désagréable, contraignante et parfois invivable avec des conséquences souvent négatives comme la dégradation des alpages, du matériel agricole en premier lieu, mais aussi des conflits récurrents liés au chien de protection. Malgré cela, la majorité d’entre eux affirment qu’il y a des bénéfices directs à leur présence (revenus supplémentaires et interactions sociales). Enfin, les bergers, acteurs fondamentaux dans le pastoralisme pour la saison estivale ont (d’après les premiers résultats de l’enquête réalisée par les services pastoraux du massif alpin) une bonne entente avec les utilisateurs des alpages (60%). Ils sont pourtant touchés directement par des problèmes de multi-usage. Là aussi, ils soulignent un conflit central, le chien de protection mais également convergent dans le sens des éleveurs avec la détérioration du matériel agricole. Il y a une nécessité forte pour eux d’informer, de communiquer et d’éduquer la population aux règles de conduite et de respect en alpage à partir d’une signalétique, d’ateliers de médiation, de rencontres…
Dans un contexte de multi-usage, il est récurrent de faire référence au droit d’usage, qui joue un rôle symbolique car il permet aux éleveurs ou utilisateurs d’assoir leur légitimité. Or, les éleveurs bénéficient d’un droit d’accès à la montagne au travers d’un droit d’usage symbolique et d’un droit de pacage par le biais de contrats de locations (conventions pluriannuelles de pâturage, bail rural…). Les utilisateurs bénéficient également d’un droit, le droit de passage par l’intermédiaire des plans départementaux des espaces sites et itinéraires de sports de pleine nature dont sont compris les plans de promenade et de randonnée en lien avec la loi de 1983. En ce sens, les alpages sont accessibles par l’ensemble des utilisateurs. Il s’agit alors de comprendre l’origine liée au déclenchement des conflits. L’une des difficultés résident dans la méconnaissance du pastoralisme. La moitié des utilisateurs récréatifs se rendant en montagne ne connaissent pas le pastoralisme, les pratiques qui gravitent autour de l’activité dont l’utilisation des chiens de protection, leurs caractéristiques, leurs fonctions et le contexte dans lequel ils sont implantés. A savoir que l’ensemble des utilisateurs (73%°) se renseignent sur internet avant une sortie en montagne. C’est également par cet outil là qu’ils prennent le plus connaissance du pastoralisme ou bien le découvre en direct au cours d’une sortie. De plus, il existe un certain nombre d’activités touristiques proposées en lien avec le pastoralisme qui ne sont également pas connues du grand public (53%). Des informations signifiantes puisqu’elles prouvent la méconnaissance et la non visibilité des activités pastorales et activités agritouristiques pastorales par les utilisateurs car elles ne disposent pas d’une communication active par l’intermédiaire d’acteurs ou d’outils pertinents tels que internet.
Toutefois, l’Isère est un territoire fort de ces acteurs. 96% des acteurs professionnels du tourisme pensent qu’ils doivent être informés sur les activités pastorales, 70% souhaiteraient participer à une réunion générale sur le pastoralisme et 73% aimeraient participer et ou renouveler une activité touristique en lien avec le pastoralisme. Ils sont conscients de l’importance de la conservation du pastoralisme dans le territoire pour l’entretien du paysage auquel il contribue, mais aussi de la production agricole, du savoir-faire, mais également des valeurs éthiques, symboliques et traditionnelles qui permettent de rassembler aisément la population autour de ces valeurs-là en mettant en avant le territoire et son attractivité. En outre, l’agritourisme dont est compris le pastoralisme est en perpétuelle expansion, c’est une activité prometteuse. D’autant plus que le tourisme en montagne est un secteur économique prépondérant, solide et stable d’où les intentions convergentes des professionnels du tourisme de s’intéresser au pastoralisme. Ce sont d’ailleurs des acteurs centraux pour mettre en lumière, promouvoir, sensibiliser et plus généralement communiquer à grande échelle sur le pastoralisme. Leur nombre conséquent dans le département, leur motivation et leur implication en font une force de frappe pour le monde pastoral. Une position légitimisée par l’ensemble des éleveurs. 60% des éleveurs ne sont pas impliqués dans des activités touristiques en liens avec le pastoralisme et 72% ne souhaitent définitivement pas s’impliquer. Les éleveurs isérois affirment par cette réponse que leur fonction première est le métier d’agriculteur, de production animale et qu’il n’est pas dans leur rôle de promouvoir leur activité qui peut par la suite entrainer une diversification de l’activité. Sans une volonté de leur part, ils n’ont pas véritablement de temps à consacrer au tourisme. D’après l’enquête, la valorisation, selon eux, doit passer par deux interlocuteurs privilégiés pour ce rôle, les professionnels du tourisme (79%) mais aussi la FAI (Fédération des Alpages de l’Isère), (67%). Elle affiche d’ailleurs déjà un ensemble de projets pour faire connaitre le pastoralisme avec la mise en place d’une signalétique pastorale en alpage mais aussi par l’intermédiaire du festival du film Pastoralisme et Grands Espaces, basé à Grenoble. Un basculement de perspective peut être pris en considération où l’agriculture s’ouvre au tourisme mais également le tourisme qui peut s’ouvrir à l’agriculture, on parle alors d’agritourisme intégrée où l’éleveur n’est plus au centre de la valorisation mais ce sont les acteurs territoriaux qui le sont. Cette volonté peut être un point de départ. Néanmoins, les bergers ne sont pas des acteurs à placer au même titre que les éleveurs. Ils sont bien trop souvent isolés des décisions relatives aux actions menées en alpage liées à la valorisation. Ils sont pourtant un intermédiaire capital pour développer des actions vivantes, humaines et directes au cœur du pastoralisme, fortement demandées par l’ensemble de la population. D’ailleurs, 60% des bergers isérois affirment que la médiation est une mission induite ou quelques fois officielle du berger, elle fait partie de son quotidien en alpage.
L’ensemble des intentions émises durant l’enquête permet d’apporter une réflexion sur un devenir commun au travers d’une commission, d’un partenariat orienté vers un agritourisme intégrée pastorale et porté par un réseau d’acteurs dynamiques et impliqués. Il serait construit en vue d’établir des actions et une pastoralité c’est-à-dire des vérités et des messages (symboliques et techniques) sur le pastoralisme qui ne soient pas synonymes de folklore. Il permettrait d’appuyer une valorisation du pastoralisme, sa visibilité ainsi que la reconnaissance de l’activité pour le respect et la pérennisation de celle-ci afin d’obtenir une cohabitation durable en alpages entre tous les utilisateurs.