Dès l'instant où l'Homme acquit les capacités intellectuelles lui permettant d'analyser son environnement, il fut confronté à des rencontres pour le moins insolites et interrogatives : des restes d'ossements géants enfouis dans le sol, des coquillages marins loin des mers, des empreintes de corps d'animaux dans la roche, des traces de pas solidifiées sur le sol, des momies émergeant de tourbières et de sables, des corps sortant des glaces au dégel … autant de rencontre qui, en stimulant l'imaginaire, favorisèrent l'apparition, au fil des millénaires, de nombreux mythes et légendes qui perdureront jusqu'à des époques récentes.
Cependant, dès l'Antiquité, des esprits cultivés et critiques ont émis l'hypothèse que ces restes sont ceux d'animaux qui diffèrent de ceux qu'ils côtoient ; certains avancent l'idée qu'il y aurait eu des générations successives dans une alternance de cataclysme et de nouvelles créations. Il s'agit d'hypothèses alors audacieuses qui seront étouffées des siècles durant, en Occident, par la position de l'Eglise, laquelle impose que toutes les espèces ont été crées par Dieu et ont été sauvées, lors du grand cataclysme appelé Déluge, en faisant monter un couple de chaque dans l'arche de Noé. Il ne peut donc exister de nouvelles générations d'espèces et encore moins un lien entre elle dans le temps.
L'essor de la démarche scientifique au Siècle des Lumières et dans les siècles suivants va fortement ébranler le dogmatisme de la Création divine.
Georges Cuvier, professeur au muséum national, accumulera jusqu'à sa mort en 1832 des milliers d'ossements pétrifiés d'animaux, principalement de vertébrés provenant de tous les continents. Il les compare et les classe. Ce travail gigantesque lui apportera en retour la certitude qu'il y a eu au cours des temps passés une succession d'extinctions provoquées par des événements catastrophiques. Il ne franchira pas cependant le pas vers la reconnaissance d'une évolution continue entre ces générations et il reste un fidèle partisan du Fixisme, une théorie selon laquelle les espèces une fois créées par Dieu ne changent pas. Dans la même période Jean Baptiste Lamarck, autre professeur du muséum national, étudie les invertébrés et, réfutant l'hypothèse d'extinction, développe celle de la transformation des espèces dans le temps sous l'influence de l'environnement. C'est lui aussi qui précisera la définition du mot fossile en le réservant "aux dépouilles des corps vivants altérés par leur long séjour dans la terre ou sous les eaux, mais dont la forme et l'organisme sont encore reconnaissables".
C'est en 1834 que Henri Ducrotay de Blainville, successeur de Cuvier au muséum national, crée le terme de Paléontologie pour désigner cette nouvelle science qui étudie les fossiles animaux et végétaux.
La paléontologie est de nos jours une science prospère et dynamique qui, associée à d'autres disciplines, la génétique en particulier, révèle et explique les liens entre les êtres fossiles et vivants et permet de suivre ceux qui relient l'Homme à ses origines animales.
Armand FAYARD Conservateur du Muséum de Grenoble de 1978 à 2010, (02/08/05)