ESRF : Lumière sur la Paléontologie et l’Archéologie

ESRF : Lumière sur la Paléontologie et l’Archéologie

Portrait de Amis du Muséum

A la demande de l'Association les Amis du Muséum, le 18 septembre 2019 deux chercheurs du Synchrotron de Grenoble sont venus présenter leurs travaux.

Retour sur cette conférence d’exception.

Article réalisé par le Dr Paul Tafforeau, scientifique à l’ESRF, chercheur en paléontologie et Camille Berruyer doctorante en archéologie.

Dans un premier temps, le paléontologue Paul Tafforeau a présenté le principe de la microtomographie à rayonnement X synchrotron, en utilisant la comparaison avec un saucisson coupé en tranches.

La suite de son exposé était consacrée à la présentation d’un petit dinosaure très particulier : Halszkaraptor escuilliei. Ce fossile provient du pillage d’un site très connu en Mongolie. Un revendeur de fossiles français, François Escuillié l’a reconnu comme quelque chose de nouveau, et l’a alors acheté pour le mettre à la disposition des paléontologues professionnels afin qu’il puisse être étudié, publié, et rendu à son pays d’origine. Ce petit dinosaure, âgé de 72 à 75 millions d’années, ressemble à une chimère improbable entre un canard, un cygne, un velociraptor et un crocodile. Il a pu être imagé à l’ESRF pour une étude approfondie de son anatomie, et pour lever tout doute sur son authenticité. La meilleure interprétation de cette association de caractères est que c’était un petit dinosaure amphibie et piscivore, capable de nager, mais également de courir sur la terre ferme et de chasser de petites proies.

Photo et représentation 3D de halszkaraptor escuilliei, présenté par le paléontologue Paul Tafforeau. DOI 10.1038/nature24679

Paul Tafforeau a ensuite abordé ses travaux dans le domaine de la paléoanthropologie. Il a montré que les dents sont de véritables archives du développement d’un individu, et peuvent enregistrer le temps avec une précision de quelques jours sous la forme de stries de croissance régulières. L’imagerie synchrotron permet d’accéder à ces enregistrements sans avoir à couper physiquement les dents. On obtient alors des informations sur la durée de l’enfance, de l’adolescence, la maturité sexuelle, le développement squelettique, …

L’un des aspects les plus intéressants est de relier ce cadre temporel avec l’évolution cérébrale dans notre groupe, car les deux aspects apparaissent très corrélés, un gros cerveau ayant besoin de beaucoup de temps pour se développer. L’ESRF étant devenu la référence mondiale pour l’imagerie des fossiles, de nombreux spécimens d’hominidés ont été imagés à Grenoble, en particulier Toumaï (Sahelanthropus tchadensis) et Australopithecus sediba.

La doctorante en archéologie Camille Berruyer a quant à elle, présenté ses travaux sur les momies égyptiennes de crocodiles.

Après une introduction rappelant les pratiques concernant la momification animale en Egypte antique, elle a dévoilé ses résultats obtenus sur un crocodile momifié il y a environ 2000 ans. La microtomographie à rayonnement X synchrotron a permis d’étudier le crocodile contenu dans ses bandelettes de tissus. Comme il n’avait pas été vidé de ces organes lors de la momification, son contenu stomacal a pu être identifié. On y trouve de nombreux restes d’insectes, un morceau de plume, une vertèbre de poisson, des œufs de lézard, et un rongeur presque complet qui a pu être attribué au genre Mus. Cette diversité correspond au régime alimentaire attendu pour un jeune crocodile dans la nature.

Son crâne présente une large fracture ayant très probablement été faite par un coup violent ayant entrainé la mort de l’animal. C’est une technique de chasse encore pratiquée dans certaines parties de l’Afrique. Cette étude a pu montrer que ce crocodile était un animal sauvage qui a été chassé afin de produire une momie. Cette donnée est particulièrement importante car jusqu’à maintenant, le consensus était de considérer que les crocodiles momifiés provenaient tous d’élevages. Cette momie démontre que la chasse était également une façon d’approvisionner les crocodiles pour la production de masse des momies animales de la fin de l’Egypte Antique.

Photo, représentation 3D et détails de la momie égyptienne de crocodile présentée par la doctorante en archéozoologie Camille Berruyer. https://doi.org/10.1016/j.jas.2019.105009

L’intervention de nos deux chercheurs a suscité un bel entrain de la part du public, beaucoup de questions ont été posées et d’instructifs échanges ont permis de clôturer cette soirée en beauté.

 

Visuel principale : European_Synchrotron_Radiation_Facility_(ESRF)_-_Grenoble,_France Wikimedia