La tourbière du Peuil (Claix-Isère) est située à 975 m d’altitude sur le rebord oriental du Vercors, au pied de la barre calcaire du Moucherotte. Elle occupe un petit replat limité par une moraine déposée par le glacier Isère- Drac il y a 25 000 ans.
Un carottage de 3,10 m a été réalisé en 2008 dans la zone humide de la grande tourbière. Les sédiments composés de tourbe au sommet, argiles vers la base ont donné lieu à une analyse pollinique, c’est-à-dire à la recherche de pollens fossilisés sur une série de 98 échantillons (en moyenne une analyse tous les 3 cm).
Le diagramme pollinique obtenu (ci-dessous) permet de préciser, d’après les assemblages de pollens, les différentes phases de l’évolution de la végétation et des climats de -20 000 ans à l’actuel. La tourbière du Peuil est une des rares séquences dans les Alpes du Nord permettant la reconstitution de la végétation sur une telle durée.
De 300 à 200 cm, les valeurs élevées d’herbacées prouvent l’absence totale de forêts. Nous sommes à la fin de la dernière glaciation würmienne. Sur un sol encore en partie gelé s’installe une végétation en mosaïque avec des plantes steppiques, différentes espèces d’armoises, des hélianthèmes ainsi que des rares arbres pionniers comme les genévriers et bouleaux.
De 200 à 178 cm, le développement rapide d’arbustes et d’arbres pionniers est typique d’une importante amélioration climatique bien reconnue dans d’autres sites voisins. L’augmentation de la température des mois les plus chauds de 5 à 6°C explique l’explosion de la vie végétale et animale.
De 178 à 150 cm, l’amélioration se poursuit et se traduite par l’installation d’une pinède.
De 150 à 125 cm, la pinède reste dominante malgré l’effet discret d’un refroidissement favorable au bouleau et au genévrier.
De 125 à 88 cm, on assite à l’amélioration continue du climat qui favorise l’installation des forêts de feuillus marquant le début de l’Holocène. Le déclin du pin est compensé par le rapide développement du noisetier puis par celui de la chênaie à ormes et tilleuls. Dans le même temps le sapin commence à s’implanter avant de prendre un essor et de régner, le hêtre apparaît également.
Il faut attendre la période suivante pour qu’il prenne plus d’importance. En parallèle on enregistre des signes nets d’activité agricole et pastorale par le déclin progressif des arbres qui témoigne d’activités de déforestation et la présence régulière de pollens de céréales évoquant des cultures à proximité de la tourbière. Le développement des herbes et de la callune traduit l’assèchement superficiel de la tourbière et la pratique possible d’un drainage artificiel. Le noyer apparait précocement.
Pierre BINTZ, (d’après J. et A. Argant, Vercors, terre de préhistoire).
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