Retour sur la conférence intitulée « La biodiversité : alerte rouge ! » donnée par madame Dominique Marson au Muséum d’histoire naturelle de Grenoble le 6 novembre dernier.
Claire Nouvian, présidente de la fondation Bloom, interpelle, en avril 2018, les entreprises et les financiers lors de son discours pour la remise du prix Goldman ainsi : « … 15 000 scientifiques ont averti l’humanité que le monde naturel allait à sa perte, et lorsque le monde naturel s’effondre, lorsque les systèmes de soutien à la vie diminuent, c’est toute l’humanité qui est en péril… C’est le moment de se mobiliser comme si nous partions en guerre, parce que c’est une guerre qui commence !… Pour gagner une guerre, il faut que tout le monde se mobilise. Il faut que les entreprises et le secteur financier prennent leurs responsabilités, qu’ils agissent avec dignité et moralité, qu’ils cessent de financer la destruction de notre monde, qu’ils cessent d’esquiver leur responsabilité fiscale… »
Le rapport de mai 2019 de l’IPBES est tout aussi alarmant dans ses conclusions. Environ 1 million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction au cours des prochaines décennies :
Il faut savoir qu’en Europe 75% des insectes volants dont des pollinisateurs et 500 millions d’oiseaux ont disparu en 30 ans !
Les ¾ de l’environnement terrestre et 66% du milieu marin sont modifiés par les activités humaines.
Terrible constat : une espèce disparaît toutes les vingt minutes soit 26 280 espèces/an mais ce rythme s’accélère. Nous sommes actuellement au début d’une nouvelle extinction de masse causée par l’homme.
La biodiversité est en danger !
Le terme de biodiversité est récent (1986), il a été popularisé lors de la conférence de Rio en 1992. C’est la vie existant sur Terre dans toute sa diversité et ses interactions (diversité spécifique, diversité génétique et diversité des écosystèmes). Elle est le résultat de milliards d’années de constante évolution depuis l’origine de la vie. Les animaux, les plantes, les champignons et les microorganismes en font partie ainsi que les écosystèmes et les êtres humains.
La biodiversité désigne la diversité biologique définie dans l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique (1992) comme « La variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »
L’homme a un impact négatif sur la biodiversité par son mode de vie et ses activités (déforestation, urbanisation, pollution, surexploitation, introduction d’espèces invasives…).
La forêt amazonienne a perdu déjà 53% de son territoire et la déforestation continue, s’accélère même depuis deux années (feux nombreux et importants durant 2019).
Les récifs coralliens occupent seulement 1% de la surface globale mais 35% des espèces marines connues y vivent. Ils sont des nurseries pour ces espèces. Le blanchiment des coraux progresse depuis plusieurs années (la Barrière de corail est touchée sur 1 500 km sur les 2 300 km de sa longueur) sous l’effet de l’augmentation de la température de l’eau et de son acidification entraînant une perte importante de la biodiversité.
Photo de gauche : Coraux, Image par Jan Mallander de Pixabay.
Photo de droite : Blanchissement des coraux, photo de Elapied sur Wikipédia français CC BY-SA 2.0
La pollution (80% de la pollution marine provient du continent) par les plastiques, les engrais, les pesticides, et les perturbateurs endocriniens créent des zones mortes, créent la prolifération d’algues (algues vertes en Bretagne, invasion des algues sargasses sur les côtes du Mexique et des Caraïbes) et créent la mort des poissons et des oiseaux qui ingèrent du plastique.
La pêche industrielle et le chalutage de fond détruisent des écosystèmes remarquables et épuisent les stocks des poissons (thon, morue, grenadier).
Les divers problèmes auxquels sont confrontés les océans auront une influence néfaste sur la biodiversité : blanchiment et disparition des coraux, modification du zooplancton donc gélification des océans, extinction d’un grand nombre d’espèces marines (>50%), ce qui ne sera pas sans avoir aussi des répercussions socio-économiques importantes (santé, pauvreté, famine, conflits…).
La ceinture intertropicale et les récifs coralliens sont très riches en biodiversité. Le Brésil héberge 1/5 de la biodiversité mondiale, l’Inde 8%... La France est un des pays les plus riches en biodiversité grâce aux territoires d’Outre-mer.
34 « points chauds » (« haut lieu » où la biodiversité est particulièrement riche) ont été identifiés et délimités, ils sont considérés comme prioritaires en matière de conservation et de préservation de la biodiversité mais ils ne couvrent que 1,44% de toute la surface terrestre (16% terres émergées) et hébergent 70% de espèces de plantes vasculaires, 42% des vertébrés connus et 75% de toutes les espèces considérées comme menacées par UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature).
Localisation des 34 points chauds de la biodiversité ©IUCN-Commissariat général au développement durable.
Les milieux naturels fournissent de nombreuses matières premières :
La diversité biologique et la richesse des écosystèmes favorisent de nombreux processus vitaux pour l’homme et sont le gage du bon fonctionnement de notre planète (pollinisation, qualité de l’air, régulation du climat…). La biodiversité a une valeur économique importante : elle fournit en biens et en services près de deux fois le PIB mondial. A cela s’ajoute une valeur culturelle (tourisme, loisirs, histoire) et une valeur éthique (respect de la vie, bio-empathie).
L’UICN constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation globale des espèces sous la forme d’une base de données de 87 967 espèces (en février 2017) et attribue aux espèces un statut de conservation à partir duquel elle édite une liste rouge des espèces animales et végétales menacées. En France, 1 143 espèces sont menacées dont 209 sont en danger critique.
La biodiversité est un bien public mondial, sa gestion ne peut pas relever que de la seule souveraineté des Etats, il faut une action globale efficace. Un certain nombre de Conventions ont été adoptées dans ce sens (Conventions de Rome et de Berne, Convention sur la diversité biologique…).
De parcs régionaux et nationaux ainsi que des réserves terrestres et marines ont été créées mais ne représentent que 14,8% des terres et 5,1% des océans. Ce qui est insuffisant aux vues de la situation.
Oui, mais cela implique un changement drastique de nos modes de vie !
Si nous ne faisons rien notre espèce ira à sa propre perte comme l’explique le rapport Planète vivante de 2016 : « Si l’on suit la trajectoire actuelle, l’avenir de nombreux organismes vivants demeurera incertaine dans l’Anthropocène : plusieurs indices nous incitent à tirer la sonnette d’alarme…Si les plantes et les animaux sauvages sont concernés, le nombre d’êtres humains victimes de la détérioration de l’environnement va également croissant… Aujourd’hui, l’humanité se trouve face à un défi clair : changer de cap pour nous ramener dans les limites environnementales de notre planète et maintenir, voire restaurer, la résilience des écosystèmes. ».