La débâcle du lac d’Oisans en 1219 : une catastrophe revisitée. Retour sur cette conférence.

La débâcle du lac d’Oisans en 1219 : une catastrophe revisitée. Retour sur cette conférence.

Portrait de Amis du Muséum

A la demande de l'Association les Amis du Muséum, le 23 octobre 2019 Camille L’Hutereau et Philippe Schoeneich (deux géographes) sont venus au Muséum de Grenoble pour parler de la géomorphologie au service de la ré-analyse de la Débâcle de l’Oisans.

Retour sur cette conférence d’exception. 

La Débâcle de l’Oisans est la cause de l’inondation de Grenoble en 1219. 

Cet événement historique a été raconté par quatre auteurs anciens, et ré-étudié par les historiens, les géologues, les géographes et les géomorphologues des XXème et XXIème siècles. 

Pourtant, alors que la catastrophe fêtait mi-septembre ses 800 ans, les nombreuses études à son sujet ne présentent que des constats extrêmement textuels, mais donnent très peu de précisions sur les dimensions et les éléments physiques du phénomène. La catastrophe a pourtant laissé des traces dans le paysage qu’elle a traversé. Depuis la plaine de Bourg d’Oisans jusqu’au couloir de Livet à Séchilienne en passant par le lieu dit du Pont de la Véna, la réanalyse a tenté de retrouver assez d’indices géomorphologiques pour apporter de nouveaux éclairages à des questions jusqu’ici en suspens.

Les indices physiques permettent aujourd’hui de mettre en lumière certains détails de l’événement, depuis ses prémices en 1191 jusqu’à l’écoulement catastrophique de 1219.

Les cônes de déjection des torrents de la Vaudaine et de l’Infernet, jusqu’ici principaux coupables déclarés, révèlent des morphologies impressionnantes mais insuffisantes pour provoquer un barrage aussi solide et pérenne. L’attention portée aux collines dites « de Versaire » juste à l’amont de la Vaudaine et l’Infernet révèle un dépôt d’écroulement largement sous-estimé. L’écroulement de Versaire est un indice de taille. Son emprise sur le fond de vallée étroit, sa profondeur sous les alluvions actuelles de la Romanche et les mégablocs qui le composent permettent de revisiter l’hypothèse du barrage de la Romanche. En effet, le dépôt d’écroulement, par sa préexistence, rend envisageable la création d’un barrage par cônes de déjection, appuyé au dépôt d’écroulement.

Actuellement, les cônes comme le dépôt d’écroulement présentent des morphologies érodées, parfois carénées par le passage de l’eau et du temps. La force de la vidange du lac d’Oisans a été mise en évidence dans le couloir d’écoulement, à l’aval direct du Pont de la Véna. Par endroit, des blocs comparables en taille, en lithologie et en forme à ceux du dépôt d’écroulement sont retrouvés. Certains sont pris dans les terrasses surplombant l’actuel cours de la Romanche, tandis que d’autres, sont à demi enterrés seulement, modifiant ainsi l’horizontalité relative des terrasses.

Ces témoignages permettent de prendre conscience de la force et du débit qui a parcouru le couloir de Livet à l’époque. La violence de la Débâcle a donc d’une part démantelé le dépôt d’écroulement et a d’autre part participé au façonnement de la vallée que nous connaissons aujourd’hui en édifiant les terrasses portant les villages et hameaux.

Si l’étude assure une corrélation entre l’écoulement violent et les morphologies des terrasses, elle n’est actuellement pas en mesure de caractériser l’exact fonctionnement du cycle dépôt-érosion. L’hypothèse principale est celle d’un dépôt principal suivi d’une ré-incision, sans pour autant pouvoir fournir de quantification.

Aujourd’hui, les travaux de recherche se poursuivent autour des approches suivantes : des datations pour permettre de dépasser la chronologie relative du scénario, la modélisation du faciès ancien de la Romanche pour un calcul hydraulique en conditions morphologiques anciennes et la présentation d’un inventaire des formes présentant un intérêt géoculturel et géopatrimonial dans le couloir de Livet.

Cette recherche est permise par l’IDEX CDP Risk de l’Université Grenoble Alpes et est portée par les membres de l’équipe Environnements du laboratoire PACTE. Ces derniers collaborent avec les laboratoires ISTerre à Grenoble et Edytem à Chambéry.

 

Photo : Lithographie vue sur le Lac Saint Laurent © Guide du voyageur en Oisans - JH Roussillon /Bibliothèque Dauphinoise